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Sainte-Gertrude d’Etterbeek
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Jade et les sacrés mystères de la vie

Un petit texte proposé par le groupe des grands-parents

Article mis en ligne le 13 mars 2024

par Frédéric et Aliette

Jade et les sacrés mystères de la vie

Raph’, il parle souvent du bonheur. Selon lui, il y a trois B-attitudes : le Beau, le Bon et le Bien. Si votre climat intérieur se dégrade, c’est sûr : vous avez un problème de B-attitude.

Un jour, il a voulu créer un groupe de gens heureux : le Club de la Bonne Humeur. Le plus dur, ça été de recruter : on était juste que tous les deux, alors que les gens de mauvaise humeur, ils étaient des millions de millions.

Au début, évidemment, le Club de la Bonne Humeur attire beaucoup, parce qu’il y fait toujours beau, seulement c’est très-très difficile. Pas pour y entrer, non : mais pour y rester. Quand vous vous réveillez le matin, parfois vous êtes tout ensoleillé de bonheur, tellement-tellement que vous rayonnez. Et puis, la journée commence, et vous rencontrez des gens qui ont dans la tête des nuages gris foncé qui filent à la queue-leu-leu. Ils sont si menaçants qu’on a l’impression qu’il suffit de les piquer légèrement pour qu’ils se déchaînent en orages. Alors évidemment, c’est pas facile de rester au beau fixe. Au bout d’un moment, vous êtes découragé. Vous avez l’impression de gâcher vos rayons de tendresse pour rien du tout. Et vous finissez par passer de l’autre côté - du côté des gens de mauvaise humeur. Vous vous dites : « Après tout, il n’y a pas de raison que je fasse des efforts, puisque personne n’en fait ! C’est drôle : c’est comme s’il y avait plus de plaisir à se faire l’avocat du diable que le complice de Dieu. Il n’y a pas de justice !

Raph’ dit que la mauvaise humeur, c’est comme la grippe : il suffit qu’il y en ait un qui l’ait pour que dix l’attrapent. Moi, ce que je comprends pas c’est qu’on arrive pas à contaminer les gens aussi avec la bonne humeur. Raph’ m’a répondu que les maladies sont beaucoup plus faciles à transmettre que les B-attitudes comme le Beau, le Bon, et le Bien. Pourtant, on est tous sous le même ciel, ça devrait suffire pour se tendre la main et se faire des tas de sourires qui réchauffent le cœur. Mon intuition féminine, elle me dit qu’il y a quelque chose qui flotte dans l’air, il y a une tentation. Mais les gens n’osent pas. Y z-osent pas sourire. Je sais pas pourquoi. Pourtant, la règle du bonheur, c’est de toujours garder le sourire. Alors comme ça, avec Raph’, on a décidé de faire des cures de bonne humeur. Il faut beaucoup jeûner : pendant des jours et des jours, on décide de pas dire un seul mot vilain, méchant ou mal, et de ne voir que ce qui va bien. Même si on a des gros nuages gris foncé qui planent à l’intérieur, eh bien c’est interdit de les faire pleuvoir, on n’a qu’à regarder au-dessus, vous savez : la face qui est toujours tournée vers le soleil. Et quand on a du méli-mélo dans la tête, quand on est en colère à cause de sa grisaille intérieure, il faut dire à M. le Bonheur : « Pardon de t’avoir blessé. J’ai regardé le mauvais côté… » Au début, c’est très-très difficile, parce qu’on aimerait se laisser aller dans ses humeurs. Et puis après, c’est drôlement bon : c’est comme le soleil qui commence à chauffer en plein hiver. Même si les autres sont d’un accueil glacial, eh bien on reste chaleureux, de toute la chaleur qu’on a accumulée pendant sa cure de bonne humeur. C’est comme ça qu’on peut dessiner la vie avec du Beau, du Bon, et du Bien, et faire qu’elle ressemble à une cathédrale plutôt qu’à une vieille cabane pourrie qui menace tous les jours de s’écrouler.

Je sais pas si vous avez remarqué : ce qui sépare les gens, ce sont les mots. Même les p’tits mots de rien du tout, ça peut produire les pires maux. Il y a des mots blessants, et puis aussi des mots qui tuent. Par exemple Raph’ il dit que l’amour peut commencer sur un signe et finir par un mot, un mot de trop. Peut-être bien qu’on habille la réalité avec des mots parce qu’on a peur de la voir toute nue. Peut-être bien aussi qu’il vaudrait mieux se taire plus souvent. Apprendre à contempler. Rien dire. Rester dans le silence. Mais pas n’importe quel silence, hein ! Il y a toute une gamme de silences : des graves, des aigus, des intenses. Il y a le silence qui cache l’absence et le vide ; il y a le silence parce qu’on n’ose pas ; il y a le silence parce qu’on ne veut rien dire, ou qu’on s’en fiche ; il y a le silence parce qu’on ferme les yeux et qu’on ne veut pas s’occuper de ce qui nous regarde pas : tout ça, c’est pas des beaux silences.

Moi, je parle des silences à étoiles, des silences à deux, avec des signes et des messages et des sculptures de connivence, un silence moelleux et rond comme de la tendresse, et grisant comme de l’amour. Un silence dense, la danse d’un silence…

Les z-amoureux, y z-aiment rien tant que le silence. C’est drôle c’est quand ils ne disent rien qu’ils s’entendent le mieux… Même que Raph’, il a dit un jour : « On reconnaît l’amour véritable à ce que le silence de l’autre n’est plus un vide à remplir, mais une complicité à respecter. » Quand on aime quelqu’un, eh bien, le quelqu’un qu’on aime, c’est comme Dieu : c’est un quelqu’un qui ressemble à personne, qui n’a pas besoin de parler pour être présent, qui est capable de vous fabriquer de l’infini en un sourire et, quand vous pensez à lui très fort, de vous transporter dans un monde qui n’existe pas - ou qui existe seulement quelque part ailleurs.

Raph’, je l’ai tout de suite remarqué, même dans le silence, même avant qu’il parle, c’est pas une grande personne comme les autres. Vous en connaissez beaucoup, vous, des grandes personnes qui vont jusqu’au bout de leurs rêves ? Eh ben Raph’, lui il peut ! D’ailleurs, je vais vous dire : c’est pas un monsieur, c’est un p’tit garçon manqué !

par François Garagnon
(Extrait de Jade et les sacrés mystères de la vie)