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Sainte-Gertrude d’Etterbeek
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La statue de Sainte Gertrude

Notre paroisse possède un véritable petit chef d’œuvre, fort ancien, en l’occurrence une statue en bois de sa sainte patronne ayant plus de 500 ans d’existence. Actuellement, elle est gardée en un lieu sûr. Elle devrait être restaurée et trouver ensuite un écrin hautement sécurisé dans la nouvelle église qui sera construite dans les prochaines années. Entretemps, elle a déjà figuré dans diverses expositions, dont l’exposition "Borman" à Leuven en 2019-2020. Quelques explications...

Article mis en ligne le 23 janvier 2024
dernière modification le 28 décembre 2024

par Jepa

L’histoire de sa (re)découverte

La découverte de ce petit chef d’œuvre vaut la peine d’être contée. Le curé Dequid nous la raconte :

"En 1940, Armand GODFRIN, routier de la troupe scoute, ayant terminé ses études d’architecte, suivait des cours d’archéologie aux Musées royaux d’Art et d’Histoire du Cinquantenaire. Les données sur la sculpture brabançonne de la fin du Moyen-Age attirèrent son attention sur les caractères de la statue de sainte Gertrude trouvée dans le grenier de l’église paroissiale et ornant le local de la troupe. Il en référa à son professeur. Après un examen approfondi, la conclusion s’imposa, il s’agissait d’une œuvre remarquable du XVe siècle, sortie des ateliers bruxellois de cette époque. La statue quitta le local scout pour le presbytère".

Hélas, la guerre survint. Il fallu mettre la statue à l’abri dans les caves du Musée du Cinquantenaire. Quant à Armand Godfrin, il connut un sort funeste. Le 12 août 1944, le camp scout de La Fresnaye (à Dworp) fit l’objet d’une descente de collaborateurs wallons. Des routiers de la 30e Unité Sainte-Gertrude, dont Armand, furent arrêtés à proximité et amenés au camp où une trentaine d’autres scouts étaient déjà détenus par la Gestapo qui soupçonnait que le lieu serve à la résistance. Sous la torture, un chef scout finit par avouer où des armes étaient entreposées. Le premier septembre, une partie des scouts fut envoyée en Allemagne. Armand Godfrin n’en revint pas. Il avait 24 ans.

Restauration et mise en valeur

Après la guerre, la statue fut nettoyée par les services du Musée du Cinquantenaire, sauf à quelques endroits où l’on garda des traces des couches de peinture successives qui la recouvrit au cours des ans. La statue est en chêne. Pour toute restauration, on acheva seulement le crosse dont il manquait la volute. En avril 1949, elle fut intronisée dans l’autel de sainte Gertrude de l’église paroissiale (transept gauche).

Avant de prendre place dans la nouvelle église que les paroissiens appellent de leurs voeux, une restauration complète de la statue est envisagée. Il faudra toutefois trouver les fonds nécessaires, mais cela est une autre histoire...

Intérêt de l’œuvre

Dans l’article de 1949, le comte Joseph de Borchgrave d’Altena, le professeur de A. Godfrin qui réalisa la première expertise, en parle de la façon suivante :
« Tout ici est encore recueillement et pensée intérieurs ; la forme est serrée comme la composition ; l’attitude stable, sans lourdeur, et les gestes retenus sans gaucheries. La statue porte comme marque le maillet bruxellois et se range d’ailleurs sans peine, parmi les productions les plus célèbres de notre ville. On pense devant elle au saint Hubert, au saint Laurent et au saint Fiacre de l’église Saint-Jacques à Louvain ; aux images de la « Madeleine » de nos Musées et de l’Hôtel Cluny à Paris ; aux anges de la collection du baron de Decker ; à la Vierge d’Assomption de Nivelles ; aux statues qui ornent le retable d’Ytter-Selö, en Suède...
... Il n’est pas imprudent d’affirmer, en effet, qu’il s’agit de la plus remarquable des statues de sainte Gertrude créées en Brabant à la fin de l’époque gothique. Elle surclasse les autres images de cette bienheureuse conservées dans le pays : citons les statues de la crypte de Nivelles et de Landen ».

Cette statue est en chêne moiré, d’assez grande taille (1 m 21). Elle a été datée de la fin du quinzième siècle, probablement de 1490, et attribuée au sculpteur Jan Borman II. (Comme la plupart des sculptures de cette époque, elle n’est pas signée. On distingue toutefois deux marques sur la base : le maillet bruxellois et trois flammes).

Fait particulier : elle est sculptée dans un demi-tronc creux (ce n’est pas la seule) et l’arrière n’est pas travaillée. L’explication est d’ordre technique : le bois utilisé est du chêne de la Baltique. Ce dernier possède en son centre un bois extrêmement compact et fort dur, entouré d’une couche qui l’est moins. Si le tronc n’avait pas été évidé, avec les écarts de température et d’humidité, le bois se serait fendu.

Quelques attributs

Remarquons que dans cette statue, la sainte n’apparaît pas entourée de rongeurs. C’est pourtant à cette époque que l’on commence à la représenter en compagnie de rats (Nuremberg, 1493 ; Landen, 1480...) Elle possède toutefois une crosse avec une volute s’enroulant vers l’extérieur. La crosse indique que la sainte est fondatrice d’un ordre. L’enroulement vers l’extérieur signifierait que le pouvoir de l’abbesse s’étendait en dehors du couvent. La hampe est garnie d’un voile. Au départ, c’était simplement un mouchoir qui isolait la main du cuivre de l’objet. Par la suite, le tissu fut solidarisé avec la crosse. Notre sainte Gertrude tient en mains un livre ouvert. Dans l’iconographie, ce sont encore une fois les fondateurs d’ordres qui tiennent ainsi un livre ouvert, contenant les règles de l’ordre. Et c’est tout comme attributs. La sainte Gertrude d’Etterbeek est d’une très grande sobriété, mais d’une grande finesse.

Au gré des expositions

La qualité de l’oeuvre lui a valu de figurer parmi quelques expositions. Epinglons-en deux.
En 1960, Sainte Gertrude s’en alla outre-Atlantique, à Detroit, pour figurer parmi les oeuvres de l’exposition "Masterpieces of Flemish art : Van Eyck to Bosch"
En 2019 - 2020, elle est une des pièces maîtresses de l’exposition "Borman et Fils" présentée par le musée M de Leuven. Le commentaire trouvé dans le catalogue est plutôt flatteur. Jugez-en :
" La Sainte Gertrude d’Etterbeek réutilise certains des procédés auparavant implémentés par Jan I, mais le résultat est rarement aussi réussi.
Avec les plis larges, légèrement décentrés et rabattus de la cape tombant vers l’avant, le sculpteur introduit une diagonale qui mène au visage concentré de la sainte en passant par le livre ouvert.
Une légère inclinaison du torse a donné à l’artiste la place dont il avait besoin pour placer la crosse de l’abbesse.
La douceur de la cape, avec ses bords fis et flottants, contribue largement à l’impression de légèreté et d’espace qui émane de cette admirable silhouette"

Sources :

Cte Joseph de Borchgrave d’Altena et DEQUID, Jos, 1949
La Sainte Gertrude d’Etterbeek.
Bulletin de la Société Royale d’Archéologie de Bruxelles. Juillet 1949. pp 41-44

Detroit 1960 (Anonyme)
Flanders in the fifteenth century ; art and civilization.
Catalogue of the exhibition Masterpieces of Flemish art : Van Eyck to Bosch (exh. cat.). pp ; 250-252
Detroit, 1960

Gierts, Monique
A propos d’une statue de sainte Gertrude.
Le folklore brabançon n°144 ; pp 515-533

Laporte, Christian, 2006
La Fresnaye, mémoire du scoutisme belge
https://www.chbs.be/LF/article_claporte.htm (Consulté le 19/6/2015)